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Bulletin l'Articulé | Société Dentaire du Québec

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Articulé novembre 2015

Les anomalies de l’émail chez l’enfant

Les anomalies de l’émail chez l’enfant

Dre Véronique Lacoste
Dentiste généraliste
Pratique limitée aux enfants et adolescents

Les anomalies de l’émail sont les anomalies des structures dentaires que l’on rencontrent les plus fréquemment. Elles sont soit acquises lors de la formation de la dent, comme la fluorose dentaire et le syndrome d’hypominéralisation molaire incisive (HMI), soit d’origine génétique dans le cas de l’amélogénèse imparfaite. Les anomalies de l’émail peuvent se présenter tôt dans la vie d’un enfant et demander une intervention rapide du dentiste traitant puisqu’elles peuvent avoir des impacts esthétiques, fonctionnels et psychologiques.

Fluorose dentaire

La fluorose de l’émail est un défaut de l’émail causé par un apport trop élevé de fluor lors dudéveloppement des dents. La dent atteinte de fluorose est hypominéralisée. La sévérité de la fluorose dépend de la durée et du moment de l’exposition à des concentrations élevées de fluor. La réponse à la dose de fluor est aussi influencée par le poids, le degré d’activité physique, l’alimentation et la croissance des os. La période la plus à risque d’un point de vue esthétique se situe entre 20 et 30 mois. Il n’y a pratiquement plus de risques de fluorose après l’âge de 8 ans. Les principales causes de fluorose sont l’eau fluorée, l’ingestion de dentifrice fluoré, la prise de suppléments de fluor et la consommation d’aliments faits avec de l’eau fluorée, et bien entendu la combinaison de plusieurs de ces sources.

La fluorose dentaire se retrouve partout dans le monde, mais est endémique en Asie et particulièrement en Inde et en Chine, ainsi qu’en Argentine, au Mexique et dans le nord et l’est de l’Afrique.

En bouche, une fluorose légère peut être difficile à diagnostiquer. Lors d’une atteinte légère à modérée, la fluorose se présente comme des lésions majoritairement bilatérales, diffuses et opaques. Des stries blanches horizontales peuvent traverser l’émail. Plus le degré de sévérité augmente, plus les stries vont converger pour devenir des taches opaques, et dans sa forme la plus sévère, l’émail va être décoloré, taché brun et miné.

Le traitement pour une atteinte légère à modérée est la microabrasion avec ou sans blanchiment. Dans le cas d’atteinte sévère, le recouvrement avec une restauration en composite, une facette ou une couronne est à envisager.

L’utilisation d’une technique de mordançage avec acide phosphorique est recommandée dans les cas de fluorose modérée à sévère puisqu’il assure une plus grande adhésion à la structure de l’émail atteint qui n’a pas la même composition qu’un émail normal.

L’hypominéralisation molaire incisive (HMI)

Le terme hypominéralisation molaire incisive a été introduit en 2001 pour décrire une hypominéralisation d’une ou plusieurs premières molaires permanentes, souvent associée avec l’atteinte des incisives. En bouche, l’émail peut être mou, poreux et opaque. La couleur peut varier de blanc à jaune (voire brun), mais il y a toujours une franche démarcation entre la zone affectée et l’émail sain. Une, plusieurs ou toutes les premières molaires peuvent être atteintes. Il en est de même pour les incisives permanentes. Il semble y avoir un lien entre le nombre de molaires affectées et la présence d’hypominéralisation sur les incisives.

L’hypominéralisation des deuxièmes molaires primaires est un indicateur d’une possibilité d’hypominéralisation des premières molaires permanentes. Les patients présentant une hypominéralisation des deuxièmes molaires primaires devraient avoir un suivi plus rapproché pour s’assurer d’une intervention rapide si les premières molaires permanentes sont affectées.

Les critères pour établir un diagnostic de HMI sont une opacité bien circonscrite (affectant rarement le 1/3 cervical), des bris d’émail après l’éruption, la présence d’obturation atypique et l’extraction prématurée d’une ou plusieurs premières molaires permanentes.

Les causes précises du HMI ne sont pas encore élucidées, mais des facteurs de risque tels qu’une naissance prématurée, des infections des voies respiratoires supérieures fréquentes et des traces de dioxine dans le lait maternel ont été rapportés. La prévalence rapportée dans la population varie de 4 à 25 %.

Un diagnostic rapide joue un rôle important dans le bien-être de ces patients puisque ces dents sont hypersensibles en raison d’une inflammation chronique de la pulpe et elles sont également vulnérables à la carie et susceptibles à des pertes d’émail.

L’approche thérapeutique se fait selon le degré d’atteinteet elle peut inclure jusqu’à quatre étapes. La première étape vise la reminéralisation et la désensibilisation par l’application topique de fluor en vernis dès le début de l’éruption des dents affectéesetl’utilisation d’un dentifrice avec CCP-PCA (Recaldent). La deuxième étape vise la prévention des caries et des fractures d’émail par une bonne hygiène dentaire, une diète moins érosive et cariogénique et l’utilisation de scellants de puits et fissures. La troisième étape se veut la mise en place d’une résine composite ou d’une couronne en acier inoxydablelors de la présence de carie ou de perte d’émail. C’est à cette étape que l’on doit aussi considérer si la dent doit être extraiteet les conséquences possibles d’un point de vue orthodontique. Enfin, la quatrième et dernière étape est le suivi des restaurations pour prévenir les fractures d’émail et le recouvrement avec des obturations permanentes des dents atteintes.

La restauration des dents atteintes de HMI présente plusieurs défis puisque ces dents sont souvent difficiles à anesthésier et la coopération de l’enfant est parfois faible. Il est également difficile de déterminer combien d’émail enlever, où se termine l’émail affecté et où commence l’émail sain et enfin quelle restauration utiliser.

L’utilisation d’amalgame est à proscrire dans ces cas. Une obturation en composite devrait être utilisée avec un adhésif automordançant lorsque l’émail atteint peut-être bien délimité, n’inclure qu’une ou deux surfaces supra-gingivales, et qu’aucune cuspide n’est incluse. Lorsque les cuspides sont impliquées, la restauration idéale est une couronne en acier inoxydable en attendant la fin de la croissance et la mise en place d’une couronne permanente par la suite. Pour les dents trop atteintes et non restaurables, le traitement de choix reste l’extraction.

Les incisives atteintes de HMI soulèvent le plus souvent des questions esthétiques de la part des parents et des enfants. Une approche avec microabrasion seule ou combinée avec une restauration en composite et l’utilisation d’opaques permettent d’obtenir un résultat esthétique. Lorsque nécessaire la mise en place d’une facette pourra être effectuée à l’âge adulte.

L’ amélogénèse imparfaite

L’amélogénèse imparfaite(AI) est une anomalie dans la formationdel’émail qui touche toutes les dents de manière similaire. Elle est souvent associée à une composante héréditaireetdans la majorité des cas pratiquement toutes les dents primaires et permanentes sont affectées. La prévalence serait d’environ 1personne sur 14,000. Parfois, une fluorose dentaire peut mimer certains types d’amélogénèse imparfaite.

Il existe différentes manifestations cliniques de l’amélogénèse imparfaite ce qui peut rendre son identification clinique difficile. La classification la plus reconnue est la suivante : hypoplasie, hypomaturation, hypocalcification et hypomaturation-hypocalcification avec taurodontisme.

Les autres manifestations cliniques associées à l’AI sont une éruption précoce ou tardive, une attrition rapide, un dépôt excessif de tartre et l’hyperplasie gingivale. On note aussi parfois des follicules dentaires élargis, des dents permanentes incluses, des éruptions ectopiques, des absences dentaires, des résorptions coronaires et/ou radiculaires et la calcification de la pulpe.

Le traitement des patients atteints d’AI doit inclure le traitement des besoins présents et la planification de ceux futurs. Ces enfants et leurs parents ont également des besoins de nature psychologique et émotionnels en lien avec l’atteinte dentaire auxquels il faut porter attention. Ces patients doivent avoir un suivi périodique assidu pour pouvoir identifier les besoins nécessaires à chaque dent le plus rapidement possible après son éruption. Un renforcement des mesures d’hygiène à la maison, l’utilisation d’un rince-bouche fluoré, des nettoyages et des détartrages réguliers sont également requis. L’application de fluor topique et l’utilisation d’agents désensibilisants peuvent aider à diminuer la sensibilité.

L’apparence, la qualité et la quantité d’émail affecté dicteront le type de restauration nécessaire pour obtenir un résultat esthétique et fonctionnel. Si l’émail est intact, mais décoloré, des techniques de blanchiment ou de microabrasion peuvent être utilisées pour améliorer l’esthétique. Lorsque l’émail est hypocalcifié, une obturation en composite ou une facette en porcelaine peut être utilisée s’il y a suffisamment d’émail pour assurer une bonne adhésion avec les agents adhésifs. Si aucune adhésion n’est possible, une restauration avec recouvrement complet de la dent doit être envisagée.

Ces patients sont souvent appréhensifs puisqu’ils ont eu des traitements à répétition. Ils présentent souvent des problèmes de comportement lors des traitements.

En dentition primaire, le but des restaurations est de maintenir la fonction et le périmètre des arcades. Les antérieures sont restaurées par des obturations en composite ou des couronnes préfabriquées en acier inoxydable ou en Zircone. Les dents postérieures sont toujours restaurées avec des CAI ou des couronnes en Zircone.

En dentition permanente, les plans de traitement sont souvent complexes et nécessitent l’intervention de plusieurs disciplines de la médecine dentaire.

 

Bibliographie

  1. Allazzam SM, Alaki SM, El Melgy OAS. Molar incisor Hypomineralization, prevalence, and etiology. Int J Dent. 2014

  2. Temilola OD, Folayan MO, Oyedele T. The prevalence and pattern of deciduous molar hypomineralization and molar-incisor hypomineralization in children from suburban population in Nigeria. BMC Oral Health 2015 Jun 30; 15:73

  3. Willams V, Messer LB, Burrow MF. Molar incisor hypomineralization : review and recommendations for clinical management. Ped Dent 2006 V28 no 3

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  5. Sapir S, Shapira J. Clinical solutions for developmental defects of enamel and dentin in children. Ped Dent 2007 V29 no 4 330-336

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