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bulletin l'Articulé

Bulletin l'Articulé | Société Dentaire du Québec

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Articulé de février 2014

Révision de conseils sur la prévention et intervention en orthodontieIntroduction

Le bon moment pour commencer un traitement orthodontique est un sujet controversé dans la littérature et la pratique actuelle. Ceci est expliqué par la diversité des malocclusions et la croissance variable des patients en traitement. Certaines études ont démontré des avantages aux traitements précoces en dentition mixte (1-4), alors que d’autres ont souligné une plus grande efficacité pour un traitement orthodontique seulement en dentition permanente (56).

Un consensus dans la littérature a par contre été établi autour des conditions inévitables à intercepter en bas âge (378). Cet article se veut une révision de ces malocclusions nécessitant une intervention en dentition mixte pour prévenir un problème plus complexe.

Les raisons d’un traitement hâtif peuvent être divisées en trois catégories :

A- Problèmes d’éruption

B- Problèmes de nombre

C- Problèmes de malocclusion pendant la croissance

Problèmes d’éruption

1-      Perte prématurée d’une dent primaire (Figures 1a et 1b)

La perte prématurée d’une dent primaire devient plus problématique quand l’éruption de la dent permanente n’est pas à prévoir pour les 6 prochains mois (9). Une dent est environ à 6 mois d’apparaître en bouche lorsque la moitié ou le tiers de la formation radiculaire est complétée (9). La dent primaire peut être exfoliée par une dent permanente adjacente ou par une autre cause (ex: carie, traumatisme). Cette situation crée une asymétrie d’exfoliation avec la dent contra-latérale qui n’est pas désirable. Une exfoliation asymétrique entre deux dents contra-latérales est considérée normale à l’intérieur d’une période de 6 mois. Si l’intervalle de temps est plus long, une intervention est nécessaire. Dans la majorité des cas, le traitement d’interception se résume par la pose d’un mainteneur d’espace s’il n’y a pas eu de dérive dentaire après la perte (9). Dans le cas d’une perte de canine primaire asymétrique prématurée, l’extraction de la dentcontra-latérale est recommandée pour éviter une déviation de la ligne médiane. Les conséquences possibles d’une perte prématurée sont souvent la dérive mésiale des dents postérieures, la déviation de la ligne médiane ou la perte d’espace sur l’arcade (9).

 

2-     Rétention prolongée d’une dent primaire

En présence de rétention prolongée d’une dent primaire, le risque premier est d’empêcher l’éruption de la dent permanente (10). Ce problème d’inclusion de la dent permanente est rencontré chez 1-2% de la population pour la canine supérieure (11). La position la plus commune de la canine permanente est palatine (85% des cas) alors que le reste du temps les canines supérieures sont buccales (15%) (12). Le suivi de l’éruption des canines devrait commencer vers 8 ans avec un suivi radiologique (panogramme). Une indication de l’inclusion d’une canine peut être l’absence de bosse canine au buccal à la palpation vers l’âge de 8-9 ans ou une asymétrie d’éruption. Si une orientation fautive est notée sur la radiographie, une action est nécessaire vers l’âge de 10 ans. L’extraction des canines primaires est suffisante pour redresser le chemin d’éruption dans 91% des cas quand la canine permanente est distale à la racine de la latérale supérieure permanente (10). Les chances de réussite de cette intervention chutent à 64% si la canine permanente a dépassé la moitié de la racine de la latérale permanente supérieure (superposition visible sur la radiographie panoramique) (10).

3-     Éruption ectopique

Les dents ayant le plus souvent des problèmes d’éruption ectopique sont les premières molaires supérieures ou inférieures. L’éruption ectopique d’une molaire supérieure est plus fréquente (prévalence de 4 %) (13)et souvent idiopathique. Le diagnostic est posé lorsque le distal de la molaire fait éruption avant le mésial. L’angulation mésiale de la dent et la position du mésial radiographique de la dent permanente sous la dent primaire et confirme souvent le diagnostic (3). Une correction spontanée peut être observée entre 6 et 7 ans (3). Les méthodes de correction peuvent être assez simples et consistent souvent en la mise en place d’un objet séparateur entre la deuxième molaire primaire et la molaire permanente (ex : un fil de léton, un élastique séparateur ou un ressort métallique de séparation) (9). Dans certains cas, il est nécessaire d’utiliser de l’appareillage pour distaler la première molaire permanente.

4-     Ankylose de dent primaire

L’ankylose d’une dent primaire peut être suspectée lorsque la dent primaire n’est plus au même niveau occlusal que les autres dents primaires ou permanentes. D’autres signes comme le manque de mobilité, un son sourd à la percussion ou une perte de ligament parodontal peuvent aider pour déterminer le diagnostic final. L’extraction de la dent primaire est nécessaire le plus tôt possible lorsqu’il y a  suspicion d’ankylose (14)et que la dent permanente n’est pas manquante pour éviter la création d’un défaut osseux vertical (9). L’extraction de la dent ankylosée devrait être exécutée avant qu’un déplacement des dents adjacentes ne soit initié ou qu’il y ait blocage mécanique de l’éruption de la dent permanente (idéalement avant l’âge de 9 ans) (9). Dans le cas d’une agénésie de la dent permanente, la situation doit être réévaluée en fonction de la malocclusion pour connaître le plan de traitement complet.

Problèmes de nombre

5-     Dent surnuméraire (Figure 2)

Les dents surnuméraires sont présentes à une fréquence de 0,85 à 3,5% selon les études (1516)et il semble y avoir une tendance familiale (17). La dent surnuméraire la plus commune est la mésiodens dans la région antérieure supérieure (18). La majorité des dents surnuméraires (90%) sont retrouvés au maxillaire supérieure (18). Il n’y a que 25% de ces dents surnuméraires qui vont faire éruption (18). Lorsque la dent surnuméraire ne fait pas éruption en bouche, il devient indiqué de faire une extraction chirurgicale assez tôt pour éviter le blocage de l’éruption des dents permanentes. Une impaction de la dent permanente peut survenir si la dent surnuméraire n’est pas extraite avant le moment d’éruption normal de la dent permanente. Il est aussi possible que la dent surnuméraire cause une résorption radiculaire des dents adjacentes (19). Une exposition au risque de formation d’un kyste dentigère (2021)est aussi rapportée dans la littérature. Si le blocage mécanique n’est pas géré avant l’éruption des dents permanentes, les solutions pour régler les impactions sont plus invasives (exposition chirurgicale et traction orthodontique). La majorité du temps, l’extraction au bon moment est suffisante pour que l’éruption subséquente se déroule bien.

6-     Agénésie

Le problème majeur rencontré dans le cas d’agénésie de dent permanente est d’observer, à long terme, une perte osseuse de la crête édentée (bucco-linguale et apico-gingivale). La perte osseuse rend la restauration implantaire à l’âge adulte difficile et implique dans la majorité des cas des greffes osseuses. Un traitement orthodontique en dentition mixte peut être indiqué pour guider l’éruption d’une dent permanente adjacente. Dans le cas d’une agénésie de latérale supérieure, l’extraction de la latérale primaire peut être exécutée tôt pour permettre l’éruption de la canine en position latérale (22). Ensuite la canine est distalisée orthodontiquement en bonne position pendant le traitement fixe (Figure 3). Ce traitement permet une bonne conservation de la crête alvéolaire. Une perte osseuse de 34% est à prévoir après 5 ans de l’exfoliation de la dent primaire (23). Pour le même intervalle de temps, une perte osseuse de seulement 1% a été observée quand l’éruption de la canine permanente est dirigée en position latérale (23). La quantité et qualité osseuse en sont ainsi grandement améliorées comparativement à une crête édentée depuis l’enfance si la canine avait éruptée en position canine.

Malocclusions chez les patients en croissance

7-     Articulé croisé

Un articulé croisé postérieur est une indication de traitement hâtif en présence d’un glissement latéral de la relation centrique vers l’intercuspidation maximale lors du mouvement de fermeture (4)(Figure 4). S’il y a présence de glissement, le patient peut avoir une croissance asymétrique mandibulaire (présence d’une asymétrie faciale notée par une déviation du menton) (4). Un articulé croisé antérieur peut aussi causer un glissement (souvent antérieur) et devrait être corrigé pour guider la croissance normale. Le moment idéal du traitement est souvent dès que l’articulé est diagnostiqué (24). Il faut comprendre que le traitement de l’articulé croisé régularise l’occlusion mais avant tout, améliore la symétrie faciale (24). Il est tout de même possible d’attendre la présence des premières molaires supérieures pour la mise en bouche d’appareil orthopédiques ou orthodontiques sans conséquence marquée. Une expansion palatine est nécessaire en présence d’un manque transverse du maxillaire supérieur pour augmenter la largeur squelettique et devrait être faite avant la fermeture de la suture palatine qui se produit pendant l’adolescence.

8-      Cl III par rétrusion du maxillaire (Figure 5a et 5b)

La rétrusion du maxillaire supérieur est facilement corrigible de manière orthopédique avant l’ossification complète de certaines sutures au niveau du maxillaire (79)par un traitement orthopédique. Il faut être attentif au diagnostic squelettique puisque seulement 57% des patients avec un décalage de Cl III présentent une rétrusion du maxillaire (25). Le traitement orthopédique de la rétrusion du maxillaire est possible, mais ce n’est pas le cas du prognatisme mandibulaire. La croissance mandibulaire doit aussi être évaluée et surveillée de près. Le traitement indiqué pour la correction d’une rétrusion du maxillaire est une traction avant du maxillaire avec un masque de protraction.

L’âge idéal pour le traitement avec un masque de protraction est entre 7 et 10 ans (26). Les critères à rencontrer avant de débuter un traitement orthopédique de correction de la rétrusion du maxillaire sont la présence d’un décalage de Cl III léger à modéré (pas de prognatisme mandibulaire), la présence des proportions squelettiques verticales normales (normodivergent) ou légèrement hypodivergent, un profil convexe, une croissance condylienne symétrique et la présence en bouche des incisives supérieures et des premières molaires permanentes supérieures (26).

Les raisons d’utilisation d’un masque de protraction sont : prévenir les changements irréversibles au niveau des tissus mous et les structures osseuses, améliorer la dysharmonie squelettique et rendre l’environnement plus favorable à la croissance résiduelle, améliorer la relation occlusale (éliminer le glissement si présent), simplifier la deuxième phase, éliminer la nécessité de chirurgie ou diminuer l’amplitude des mouvements chirurgicaux et améliorer esthétisme faciale (27).

9-    Surplomb vertical très augmenté avec trauma de la muqueuse palatine (Figure 6)

Un surplomb vertical augmenté en dentition mixte n’est pas une indication de traitement hâtif. Une étude menée en 2012 comparant les traitements en dentition mixte et permanente démontre que le traitement en dentition permanente pendant la puberté est plus efficace et donne de meilleurs résultats (28). Par contre, la présence d’un contact en occlusion sur la muqueuse palatine est une indication de traitement en dentition mixte (7)pour éviter tous problèmes parodontaux (récession gingivale).

10- Béance antérieure rattachée à une parafonction

Une intervention pour l’arrêt de la parafonction est essentielle pour permettre le déroulement normal de la croissance dento-alvéolaire antérieure autant supérieure qu’inférieure (29). Les habitudes les plus susceptibles d’avoir un effet sur l’occlusion et de créer une béance antérieure sont la posture antérieure de la langue additionnée de la déglutition atypique et la succion du pouce (Figure 7). Si la mauvaise habitude, comme la succion du pouce, est arrêtée avant l’éruption des incisives permanentes, aucune déformation dento-alvéolaire ne sera conservée (9).

11- Manque d’espace trop important

Un manque d’espace plus grand que 10 mm par arcade est aussi une indication pour un traitement orthodontique en dentition mixte (2). Une extraction en série peut être envisagée lorsque le patient présente des critères dentaires et squelettiques très précis. Ce traitement est irréversible et n’exclut pas la nécessité d’un traitement orthodontique fixe en dentition permanente (chevauchement résiduel et fermeture incomplète d’espace d’extraction). L’extraction en série n’est pas un gage d’une deuxième phase orthodontique plus courte et implique que le patient doit subir plusieurs extractions (4 extractions de prémolaires permanentes et plusieurs dents primaires).

Les critères obligatoires à remplir pour l’extraction en série (30)sont  de présenter une Cl I squelettique (orthognate) ou légèrement en protrusion bi-maxillaire et un profil convexe. Dentairement, le patient doit présenter un plan terminal mésial en dentition mixte se développant vers une Cl I molaire, un manque d’espace plus grand que 10 mm par arcade, un surplomb vertical et horizontal normaux ou minimes et aucune absence congénitale

12-Surplomb horizontal augmenté pouvant mener à un traumatisme

Des statistiques démontrent que le tiers des patients ayant une proclinaison exagérée des incisives supérieures subiront un traumatisme sur les dents antérieures (ce qui est en proportion beaucoup plus que dans le reste de la population) (9). Une correction pourrait être indiquée en dentition mixte pour diminuer la proclinaison dentaire des incisives supérieures (7)et diminuer le risque notamment, de fracture dentaire, avulsion et luxation.

Conclusion :

Les différents problèmes de croissance comme la rétrognatie du maxillaire supérieur, le manque transverse du maxillaire supérieur et la rétrognatie mandibulaire sont des problèmes qui vont être idéalement réglés lorsque le patient est encore en croissance puisque des traitements orthopédiques peuvent encore modifier la croissance (la période idéale est pendant le pic de croissance). Les problèmes d’éruption, de dent surnuméraire ou d’agénésie doivent être identifiés rapidement et traités efficacement en dentition mixte pour éviter des malocclusions plus complexes à l’âge adulte. Ces malocclusions devraient être constamment sous surveillance dès l’âge de 7 ans pour une interception efficace. 

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