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Bulletin l'Articulé | Société Dentaire du Québec

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Articulé mai 2015

LES EFFETS DES ANTICOAGULANTS ORAUX

Mon nom est Philippe Langlais et je suis détenteur d’un baccalauréat en pharmacie de l’Université Laval depuis 2014.

J’exerce maintenant la profession de pharmacien en milieu communautaire depuis un an dans le quartier Saint-Roch de la ville Québec.

L’objectif premier de cet article est de familiariser les chirurgiens dentistes aux effets des différents anticoagulants oraux qu’ils peuvent rencontrer lors de l’exercice de leur profession.

La warfarine et les nouveaux anticoagulants oraux (1)

Les anticoagulants oraux peuvent être séparés en deux catégories, soit la warfarine (Coumadinmd) et les nouveaux anticoagulants oraux qui comprennent le dabigatran (Pradaxamd), le rivaroxaban (Xareltomd) et l’apixaban (Eliquismd) (voir le tableau). Ils ont pour indication d’éclaircir le sang afin de prévenir la formation de caillots chez les patients atteints d’une condition favorisant leur formation. Nommons entre autres l’embolie pulmonaire, la thrombose veineuse des membres inférieurs et la fibrillation auriculaire. En présence d’une valve cardiaque mécanique, seule la warfarine sera utilisée. Leur durée d’utilisation peut s’étendre de quelques semaines à plusieurs années.

 

PIC D’EFFET

T ½

MÉTABOLISME

ÉLIMINATION RÉNALE

Warfarine

4 – 5 jours

20 à 60 h

CYP 1A2, 3A4, 1A2, 2C19

Métabolites inactifs

Dabigatran

1 – 3 h

14 – 17 h

Glycoprotéine P

Rénale (85%)

 

 

Rivaroxaban

 

 

2 – 4 h

 

 

5 – 9 h

 

CYP 3A4

 

Élimination rénale (33% en métabolites inactifs – 33% sous forme active)

Apixaban

3 – 4 h

8 – 15 h

CYP 3A4

 

Élimination rénale (~27%)

 

 

 

Warfarine (2)(3)(4)(5)(8)

La warfarine agit en interférant la synthèse hépatique des facteurs de coagulation de la vitamine K (II, VII, IX et X) et des protéines anticoagulantes C et S. L’effet anticoagulant se manifeste dans les 24 à 72 heures suivant l’administration et dure de 2 à 5 jours. Ce délai est dû à la longue demi-vie des facteurs de coagulation. Par conséquent, plusieurs conditions nécessiteront l’utilisation d’une héparine lors de l’initiation de la warfarine pour assurer que le patient soit anticoagulé au début du traitement.

Le monitorage de l’activité anticoagulante de la warfarine se fait via le RNI (Rapport Normalisé International). Il peut être mesuré en centre hospitalier à partir de sang veineux ou encore à partir de sang provenant de capillaire avec un coagulomètre portable (service pouvant parfois être offert en pharmacie communautaire). Le RNI permet d’ajuster la dose en fonction de l’intervalle thérapeutique établi selon l’indication de l’anticoagulation. Pour ce faire, un suivi régulier de ce dernier sera nécessaire durant tout le traitement.

En-dessous de l’intervalle, le sang est trop épais. Au-dessus, il est trop clair. Advenant que le RNI mesuré est en dehors de l’écart cible, le clinicien peut se référer à différents algorithmes d’ajustements de dose. Plusieurs causes peuvent être identifiées responsables d’un RNI non thérapeutique. Nommons entre autres la prise d’alcool, un changement d’alimentation (particulièrement certains légumes verts), l’omission de doses ou encore une interaction médicamenteuse. Advenant un RNI très supérieur à la valeur cible, la vitamine K par voie orale peut être utilisée comme antidote pour renverser les effets anticoagulants et ainsi diminuer les risques de saignements.

Au niveau des interactions médicamenteuses, mentionnons entre autres l’acétaminophène. Considéré comme l’analgésique le plus sécuritaire à prendre avec les anticoagulants, il faut toutefois avertir le professionnel de la santé responsable de la gestion du RNI si le patient doit le prendre de façon continue avec la warfarine. L’utilisation de l’acétaminophène à des doses supérieures à 2 g par jour diminuerait la production de facteurs de coagulation et augmenterait ainsi le risque de saignement. La prise concomitante avec un AINS n’a pas d’effet sur le RNI mais augmente le risque de saignement.  Plusieurs antibiotiques ont un potentiel d’interactions avec la warfarine. Ainsi, des macrolides comme la clarithromycine et l’érythromycine, le métronidazole, le sulfaméthoxazole de même qu’un antifongique comme le fluconazole vont augmenter le RNI et ainsi augmenter le risque de saignement.

Dabigatran (2)(6)(9)

Le dabigatran-etexilate est un pro-médicament converti en sa forme active par les estérases suivant son administration per os. Il exercera alors son action anticoagulante en inhibant de façon directe la thrombine (IIa). Son activité anticoagulante est stable et ne nécessite pas un suivi régulier. À l’opposé de la warfarine, son début d’action est rapide (quelques heures). Sa durée d’action est toutefois assez courte, ce qui expliquera une perte d’efficacité rapide suivant l’omission d’une dose.  Pour l’automne 2015, un antidote spécifique devrait être disponible.  En plus des saignements, certains patients éprouveront des effets secondaires gastro-intestinaux comme la dyspepsie avec ce médicament.

L’association des nouveaux anticoagulants avec les AINS n’est pas recommandée, car le risque de saignement est augmenté. L’association est donc à utiliser avec prudence. L’acétaminophène est à privilégier.

Rivaroxaban et apixaban (2)(6)(10)(11)

Le rivaroxaban et l’apixaban sont deux inhibiteurs directs du facteur Xa. Contrairement à la warfarine, aucun monitorage spécifique n’est recommandé pour mesurer l’effet anticoagulant. Leur effet est rapide et comme le dabigatran-etexilate, il diminue rapidement à l’arrêt. Ils n’ont aucun antidote.

Un suivi de la fonction rénale une ou deux fois par année doit être fait étant donné l’élimination rénale des nouveaux anticoagulants. Ceci permettra d’en ajuster la dose.

Arrêt thérapeutique pré-opératoire (4)

L’arrêt des anticoagulants oraux, avant une intervention dentaire, doit être discuté avec le médecin traitant. Ce dernier évaluera le risque de l’arrêt temporaire de la médication et la nécessité ou non d’un pont thérapeutique.

 Philippe Langlais

Pharmacien

 

Bibliographie

(1)      Ordre des pharmaciens du Québec et Collège des médecins du Québec. Un document d’information pour le patient : Les    anticoagulants. 2005.
(2)      Anonyme. Rx vigilance [Cédérom]. Repentigny : Vigilance Santé Inc. Version Février 2012, Monographie #016.
(3)      Institut National d’Excellence en Santé en Services Sociaux (INESSS). Anticoagulothérapie chez l’adulte : fibrillation           auriculaire. Mise à jour Mars 2014.
(4)      Ordre des pharmaciens du Québec et Collège des médecins du Québec. Lignes directrices d’anticoagulothérapie en milieu      ambulatoire. 2005.
(5)      Wells P. 2011. Chapitre 45 : Venous thromboembolism. Therapeutic Choices. 6e édition, Association des pharmaciens du      Canada, p. 604 – 617.
(6)      Taillon i et al. Guide d’utilisation sur les NACO. Décembre 2014.
(7)      CHUS. Les nouveaux anticoagulants oraux. Avril 2014.
(8)      Bristol-Mayers Squibb. Monographie de la warfarine (Coumadinmd). Montréal, Québec. Juillet 2012.
(9)      Boehringer Ingelheim Limitée. Monographie du dabigatran-etexilate (Pradaxamd). Burlington, Ontario. Janvier 2015.
(10)    Bayer inc. Monographie du rivaroxaban (Xareltomd). Mississauga, Ontario. Février 2015.
(11)    Pfizer inc.; Bristol-Mayers Squibb. Monographie de l’apixaban (Eliquismd). Kirkland, Québec; Montréal, Québec. Février           2015.

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