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Bulletin l'Articulé | Société Dentaire du Québec

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Articulé d’août 2014

La littératie et la santé dentaire: pour une communication efficace !

Par Élise Bertrand, DMD, MSc, dentiste-conseil à la Direction de la santé publique des Laurentides

Introduction :

Donner des informations et des conseils aux patients n’a pas toujours l’impact souhaité. Même en faisant l’effort d’expliquer des conseils post-opératoires et en donnant ces instructions par écrit, plusieurs patients ne les suivent pas ou encore les suivent, mais de façon inadéquate.

La facilité qu’ont les gens à comprendre, repérer et se servir de l’information se nomme la littératie. La littératie en santé, c’est la « capacité de trouver, de comprendre, d’évaluer et de communiquerl’information de manière à promouvoir, à maintenir et à améliorer sa santé dans divers milieux au cours de sa vie (1) ».

Connaître le niveau de littératie d’un patient est important et les interventions des différents professionnels de la santé ont avantage à s’ajuster à ce niveau, tant à l’oral qu’à l’écrit.

Définition :

Contrairement à ce qu’on pourrait penser au premier abord, la littératie ne fait pas seulement référence aux écrits, elle comporte en fait 4 dimensions (2) :

·         capacité à lire (ex. : compréhension par le patient des conseils post-opératoires écrits donnés par un professionnel dentaire);

·         compréhension et expression orale (ex. : discussion entre un patient et un professionnel dentaire d’arrêt tabagique);

·         résolution de problème (ex. : adaptation de l’alimentation d’un patient suite aux recommandations d’un professionnel dentaire);

·         numératie (ex. : suivi d’une posologie par un patient).

 

Figure 1 : Les quatre dimensions de la littératie (adapté de V. Lemieux, 2013)

Plusieurs classifications du niveau de littératie ont été développées. Celle élaborée par Statistique Canada en 2005 (3) sera ici utilisée  :

•       Niveau 1 (très faible), équivalent à la 4e année du primaire
Ex. : « Si vous avez de la douleur dans votre bouche, allez vite voir votre dentiste. »

•       Niveau 2 (faible), équivalent à la première secondaire
Ex. : « Si vous avez de la douleur à une dent, allez voir votre dentiste le plus rapidement possible. »

•       Niveau 3 (souhaitable), équivalent à la cinquième secondaire
Ex. : « Si vous ressentez un inconfort ou une douleur dentaire, allez voir votre dentiste immédiatement. »

•       Niveau 4 (élevé), équivalent au collégial
Ex. : « Si vous ressentez un certain inconfort ou encore une douleur au niveau buccodentaire, consultez votre dentiste immédiatement. »

Les personnes se situant au niveau 1 ou 2 ont de la difficultéà comprendre les mots compliqués, des textes denses et longs, des notions abstraites, des concepts mathématiques, à faire des liens entre les éléments d’un texte et à chercher de l’information.

Plusieurs raisons peuvent expliquer pourquoi le niveau de littératie d’une personne est faible. En voici quelques-unes (2):

·         analphabétisme;

·         difficultés de lecture et d’écriture;

·         méconnaissance du sujet discuté;

·         troubles de la vision ou de l’audition;

·         capacités intellectuelles limitées;

·         niveau d’anxiété élevé;

·         expérience antérieure négative;

·         barrière de la langue et différences culturelles.

Les effets d’une faible littératie en santé sur les individus sont multiples. Un effet direct est évidemment une compréhension limitée de l’information concernant la santé. Des effets indirects sont aussi présents, comme une moins bonne santé, l’occupation d’emplois à plus haut risque et d’emplois moins bien rémunérés.

Portrait de la population du Québec

L’Enquête internationale sur l’alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA) a eu lieu au Canada en 2003 (3). Elle a permis d’avoir un portrait précis du niveau de littératie de la population canadienne de 16 ans et plus. En observant la figure 2, on constate que 20 % des adultes québécois ont un niveau de littératie équivalent à la 4e année du primaire, soit le niveau 1. De même, 61 % des adultes québécois ont un niveau de littératie inférieur à la 1ère secondaire, soit le niveau 2. Ainsi, il est recommandé queles communications avec la population générale soient de niveau 2, et de niveau 1 lorsque des informations essentielles doivent être transmises, afin d’assurer la compréhension de tous.

Figure 2 : Répartition des différents niveaux de littératie dans la population québécoise de 16 ans et plus (3)

La figure 3 montre que plus l’âge des individus est élevé, plus le nombre de personnes présentant un niveau de littératie de 1 ou 2 est important. Ainsi, 80% des plus de 65 ans ont un niveau de littératie qualifié de faible ou très faible.

L’adaptation des messages transmis aux patients est ainsi d’une grande importance pour la majorité d’entre eux. Certaines personnes comprendront facilement un niveau de littératie de 5, mais d’autres pas, pouvant amener de la confusion et de la frustration, tant chez le patient que chez le professionnel de la santé.

Figure 3 : Proportion de québécois  de 16 ans et plus de niveau de littératie 1 et 2 en fonction de l’âge (3)

 

Les solutions

Plusieurs facteurs influencent la compréhension d’un message. Certains concernent l’individu et d’autres concernent le message lui-même.

L’individu est influencé par son profil sociodémographique, par ses conditions physique, psychologique et socioéconomique, par la situation de communication et, bien sûr, par son niveau de littératie. Il est évidemment difficile pour le professionnel de la santé d’agir sur ces facteurs (4, 5).

Par contre, il est plus facile d’agir sur le message, par exemple en choisissant l’information à donner, le lexique, la syntaxe ainsi que la lisibilité en cas de documents écrits.

Choix de l’information à donner (4, 5) :

Il est important de ne pas surcharger le patient d’informations. Seules celles étant nécessaires devraient être dites ou écrites. Normalement, on devrait se limiter à 2 ou 3 idées par message. Par exemple, lors d’une visite d’un patient, donner des conseils de santé buccodentaire sur l’hygiène buccodentaire, le cancer buccal et le tabagisme lors du même rendez-vous amène énormément d’informations. Les personnes en ayant besoin pour améliorer leur santé auront beaucoup trop de notions en même temps. Il vaut mieux passer ces messages un à la fois et passer le plus important en premier.

Les informations doivent être limitées et nécessaires, mais elles doivent tout de même être complètes. On ne doit pas considérer que le patient sait comment gérer certaines situations. Par exemple, il peut y avoir un problème de compréhension si on dit à un patient de passer la soie dentaire sans lui proposer de lui montrer comment le faire.

Il est à noter que certaines informations précises doivent parfois se retrouver dans les formulaires de consentement, même si le texte en est alourdi.

Lexique et synthaxe (4, 5)

Le choix des termes utilisés pour parler avec un patient ou encore pour créer un document écrit est très important. La médecine dentaire étant un domaine technique, il est de mise de vulgariser le discours.

En premier lieu, il est essentiel d’éviter les termes trop scientifiques ou administratifs. Par exemple, le terme « plombage blanc » est beaucoup mieux compris que le terme « obturation en composite ». De même, l’utilisation d’acronymes ou d’abréviations devrait être évitée, tels « RPR », « exo », « prophy », etc.

Pour les écrits, le niveau de langage devrait être celui parlé tous les jours. Ainsi, on favorise l’utilisation des mots les plus simples possibles : « avant » à la place d’« antérieurement ». De même, il est important d’utiliser toujours le même mot pour désigner un concept ou un objet. Par exemple, utiliser les mots « carie » et « décalcification » dans la même communication peut porter à confusion. Aussi, tel que montré à la figure 4, pour être faciles à comprendre, plusieurs caractéristiques peuvent être appliquées aux phrases.

Figure 4 : Qualités d’une phrase (4, 6)

Lisibilité (4, 5)

Spécifiquement pour l’écrit, le message doit évidemment être facile à lire. Ceci implique un texte aéré avec des sections bien établies. Quant aux images, elles aident à la compréhension, cependant elles doivent appuyer le texte, le remplacer ou montrer le comportement attendu du patient. Utiliser une image sans lien évident avec le texte entraîne souvent plus de confusion que de compréhension.

Le texte doit être bien contrasté par rapport à l’arrière-plan et le choix des polices de caractère ne doit pas être trop original ni en nombre important. L’utilisation de plus de trois polices différentes dans un texte rend la lecture plus difficile. La taille du texte est aussi très importante : un minimum de 12 points améliore la visibilité. Enfin, on doit aussi limiter le nombre de couleurs utilisées, le gras, l’italique et le soulignement. Seul le texte particulièrement important doit être mis en évidence. Quand un texte a près de la moitié de ses mots en gras, l’impact de la mise en évidence est définitivement amoindri. L’utilisation d’encadrés pour amener l’attention sur une information est une façon de faire efficace, mais à utiliser avec modération.

Conclusion :

Tant à l’oral qu’à l’écrit, au moins 60% de la population bénéficie de choix de mots et de structures de phrases simples, faciles à lire et avec des notions bien sélectionnées. La façon de communiquer des informations aux gens est très importante et a un impact sur leur santé ainsi que sur la satisfaction des professionnels voulant les transmettre. L’effet d’une communication adéquate peut rendre plus efficace la prévention des problèmes bucco-dentaires ainsi que les consignes données. De même, la relation entre les professionnels et leurs patients peut être enrichie par ces échanges plus faciles.

 

Bibliographie

1.       Santé Canada (2014). Littératie en santé, (visité le 29 mai 2014),
http://www.phac-aspc.gc.ca/cd-mc/hl-ls/index-fra.php

2.       Lemieux, V (2013). Pour qu’on se comprenne! Précautions et littératie en santé, Agence de santé et des services sociaux de Montréal (visité le 9 décembre 2013), http://publications.santemontreal.qc.ca/uploads/tx_asssmpublications/978-2-89673-323-1.pdf

3.       Statistique Canada (2005). Enquête internationale sur l’alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA) (consulté le 1er décembre 2013), http://www23.statcan.gc.ca/imdb/p2SV_f.pl?Function=getSurvey&SurvId=4406&SurvVer=1&InstaId=15966&InstaVer=2&SDDS=4406&lang=fr&db=imdb&adm=8&dis=2

4.       Dorval, V (2012). Rédiger des textes clairs et simples en 5 étapes, JASP 2012 (visité le 1er décembre 2013), http://jasp.inspq.qc.ca/Data/Sites/1/SharedFiles/presentations/2012/jasp2012_27nov_redigertextesclairs_vdorval.pdf

5.       Dorval, V & Kaszap M (2011). La littératie en santé pour des communications écrites compréhensibles, JASP 2011 (visité le 1erdécembre 2013), http://jasp.inspq.qc.ca/Data/Sites/1/SharedFiles/presentations/2011/JASP2011_1dec_Litteratie_VDorval.pdf

6.       Lagarde F (2010). Les clés d’une communication santé réussie, JASP 2010 (visité le 1er décembre 2013), http://jasp.inspq.qc.ca/Data/Sites/1/SharedFiles/presentations/2009/11_20_FrancoisLagarde.pdf

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