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Bulletin l'Articulé | Société Dentaire du Québec

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Articulé d’août 2012

La vérité sur les boissons sucrées

Amélie Charest, Dt.P., M.Sc., Chargée de cours à la Faculté de Médecine dentaire et professionnelle de recherche à l’Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels de l’Université Laval.

Malgré une consommation relativement stable durant plusieurs décennies, les apports en sucre sous toutes ses formes ont atteint un somment vers la fin du 20e siècle. Parmi tous les aliments, ce sont les boissons gazeuses qui constituent la plus importante source de sucres consommés1. Ces dernières ainsi que toutes les boissons et cocktails de fruits, limonades, boissons énergisantes, boissons pour sportifs et eaux vitaminées semblent avoir conquis la planète; elles sont disponibles partout. Ces boissons sont offertes en une multitude de saveurs, formes et utilités, toutes plus attrayantes pour les consommateurs. Elles sont généralement présentées comme étant bénéfiques, alors que leur consommation serait associée à plusieurs aspects négatifs. Les prochains paragraphes exposeront d’abord le phénomène de surconsommation, dont certain nie l’existence, l’impact de leur consommation sur la santé des individus et finalement, les effets distincts des boissons énergisantes, des boissons pour sportifs et du lait au chocolat.

SURCONSOMMATION CONTROVERSÉE

L’apport en sucres est encouragé par l’industrie alimentaire dont le souci principal demeure le profit généré. Or, de nombreuses études ont démontré de façon concrète les conséquences néfastes d’une consommation accrue de ce type de breuvage. Leur consommation contribue à l’apparition d’un déséquilibre dans les apports alimentaires. Les boissons sucrées sont donc considérées être parmi les responsables de l’apparition de l’obésité et autres maladies qui en découlent.

Certains disent qu’il n’y a pas lieu de s’alarmer puisque l’apport de sucres ajoutés des canadiens, estimé entre 10% et 13% de l’énergie totale2,serait inférieur aux recommandations de Santé Canada soit une consommation maximale de 25% de l’énergie. Toutefois, selon l’Organisation mondiale de la santé, les sucres ajoutés ne devraient pas correspondre à plus de 10% de l’apport calorique quotidien et plusieurs experts jugent que la consommation de sucres transformés devrait se situer sous la barre du 10%. D’autres affirment que la situation s’améliore, puisque les statistiques démontrent que la consommation de boissons gazeuses a diminué au cours des dernières années3. Il ne faut pourtant pas se réjouir; cette baisse de popularité s’explique entre autre par l’apparition sur le marchéde nouvelles boissons sucrées dont la consommation a quant à elle augmentée. Plusieurs amateurs de boissons gazeuses se sont tout simplement tournés vers d’autres produits aussi néfastes pour leur santé.

IMPACTS SUR LA SANTÉ

Il a été clairement démontré que les boissons sucrées contribueraient, avec l’inactivité physique et une mauvaise alimentation globale, au développement de problèmes de santé. Les calories fournies par les boissons sucrées ne sont généralement pas compenséespar la diminution de l’ingestion des autres aliments puisque la consommation de liquides, même caloriques, s’avère moins rassasiante que la consommation d’aliments solides. Les formats gigantesques vendus sont aussi problématiques, les quantités consommées étant élevées. Cette surconsommation de boissons sucrées aurait contribué à l’épidémie d’obésité particulièrement chez les enfants qui en sont friands. La prise régulière de boissons sucrées entrainerait également chez les grands consommateurs une augmentation importante du risque de diabète de type 2 et du syndrome métabolique.

Par ailleurs, plusieurs boissons disponibles sur le marché sont sucrées avec du sirop de maïs à haute teneur en fructose. Les études cliniques ont démontré que lorsqu’il est consommé en grande quantité, le sirop de maïs augmente davantage la synthèse des acides gras et le taux sanguin de triglycérides que le sucre blanc4. Aussi, des études cliniques préliminaires ont montré que le fructose pourrait contribuer au gain de poids car il aurait des effets indésirables sur le taux sanguin de leptine et de ghréline, deux hormones liées à la satiété5. Il contribuerait également davantage à l’apparition de l’obésité viscéraleet à une augmentation de la quantité de gras stockés dans le foie. Des études chez l’animal ont également montré que la consommation excessive de fructose entraînerait une résistance à l’insuline, une intolérance au glucose et de l’hypertension6,7.

Outre les problèmes reliés à l’obésité et à la santé en général, la consommation de boissons sucrées n’est pas non plus favorable à une bonne santé dentaire; le sucre présent dans ces boissons favorise le développement de caries. L’acidité de certaines de ces boissons, ainsi que les colorants et agents de conservation dont l’acide phosphorique contenu dans les colas, sont susceptibles de tâcher les dents et d’abîmer leur émail. Ces effets indésirables sont davantage observables puisque ces boissons sont généralement consommées sur une longue période et que le fait de les siroter augmente le temps de contact des produits avec les dents. Il a également été proposé qu’en consommant plus de boissons sucrées, certains ont tendance à boire moins de lait, se privant ainsi de plusieurs nutriments favorables à une bonne santé dentaire.

De façon à réduire la quantité de glucides consommés, plusieurs personnes se tournent vers des boissons sucrées aux édulcorants de synthèse. Les autorités canadiennes et américaines les considèrent sans effet nocif pour la santé si la dose consommée n’excède pas la dose journalière tolérable, qui varie d’un édulcorant à l’autre. Malgré tout, leur consommation est controversée, puisque quelques études chez l’animal ont observé une augmentation du risque de cancer. Le problème est que les édulcorants sont utilisés dans une foule de produits transformés. En plus, ils entretiennent le goût sucré et amènent certaines personnesà manger davantage. Ils sont donc à consommer avec modération.

BOISSONS ÉNERGISANTES ET BOISSONS POUR SPORTIFS

Un autre aspect négatif est l’effet de dépendance généré par certaines de ces boissons, comparable à celle d’une drogue. Les produits les plus susceptibles de créer ce type d’accoutumance seraient les boissons énergisantes. En plus du sucre ajouté, elles renferment plusieurs ingrédients qui peuvent perturber l’organisme, à plus forte raison si consommées par des enfants. Certaines boissons énergisantes contiennent une quantité de caféine dépassant la dose journalière recommandée pour un adulte en santé de 400 mg de caféine (la dose recommandée pour un enfant âgé de 10 à 12 ans est de 85 mg par jour). Devant consommer de plus en plus de caféine pour ressentir les effets du début de l’utilisation du produit, certains individus en consomment souvent plus d’une par jour et ingèrent des doses de caféine très élevées. En plus, les quantités réelles de caféine contenues dans les boissons sont parfois plus élevées que celles indiquées sur les emballages, puisque la caféine peut se retrouver sous d’autres formes telles que le guarana ou le yerba maté, sans pour autant être calculée dans la quantité de caféine totale contenue dans le produit. La caféine en forte dose peut entraîner chez certaines personnes de la nervosité, de l’anxiété, de l’agitation, des tremblements, des problèmes gastro-intestinaux, de la déshydration, de l’insomnie, une augmentation de la fréquence cardiaque et ultimement un arrêt cardiaque; et pour les personnes qui en sont dépendantes, elle peut également occasionner des symptômes de sevrage tels que fatigue, étourdissement et irritabilité.

En plus de la caféine, les boissons énergisantes contiennent d’autres ingrédients qui, lorsque consommés en grande quantité, peuvent être néfastes sur la santé. C’est le cas de la taurine, acide aminé présent naturellement dans l’organisme, jouant un rôle dans de nombreux processus physiologiques, qui serait soupçonné de dérégler la synthèse protéique si consommé en forte dose. Le ginseng, une plante fréquemment employée dans les recettes de breuvages énergisants pour son effet possible sur les capacités de mémorisation, serait quant à lui susceptible d’interagir avec certains médicaments comme la Wafarine et les hypoglycémiants, en plus d’occasionner des effets secondaires comme la diarrhée, l’hypertension artérielle, de l’insomnie et de l’irritabilité si consommé de façon abusive.

En ce qui concerne les boissons pour sportifs, plusieurs contiennent des quantités trop élevées de sucres ajoutés qui sont susceptibles d’occasionner des malaises lors de la pratique du sport. Si la durée de l’effort est inférieure à 60 minutes, leur utilisation n’est pas nécessaire et leur consommation serait à limiter au même titre que les autres boissons sucrées. Par contre au-delà de ce délai, celles contenant entre 4 et 8 g de glucides par 100 ml seraient toutes indiquées.

ET LE LAIT AU CHOCOLAT

Il est de plus en plus reconnu que le lait au chocolat serait bénéfique pour aider à la récupération suite à  une activité physique. Il renferme à lui seul la bonne proportion de glucides et de protéines pour refaire les réserves de glycogène et réparer les muscles, en plus d’aider à la réhydratation.  Il est d’ailleurs conseillé de prendre dans les 20 minutes qui suivent la pratique d’activité physique, une collation incluant une source de protéines et de glucides. De plus, les recherches cliniques en nutrition sportive ont démontré que cette boisson aurait le potentiel d’aider les personnes actives à perdre un peu de gras corporel, à augmenter leur gain musculaire, à favoriser le plein d’énergie et la réhydratation et à préparer le corps pour les performances à venir8. Le lait au chocolat, contrairement à la plupart des boissons contenant des sucres ajoutés, apporte également des éléments nutritifs à l’organisme. En plus, le lait aromatisé ne semblerait pas avoir d’effets indésirables sur le poids, ni augmenter l’indice de masse corporelle (IMC) des enfants et adolescents.Ainsi, les enfants et adolescents qui boivent du lait aromatisé, boivent globalement plus de lait et moins de boissons sucrées et ont donc une meilleure alimentation.

Conclusion

Certains facteurs peuvent expliquer la croissance de la popularité des boisssons sucrées. Elles ont été popularisées par une industrie ayant pris tous les moyens pour y parvenir, les rendant disponibles et abordables pour tous. En effet, il coûte moins cher d’acheter deux litres de boisson gazeuse que de lait. Leurs supposées vertus santé sont également mises de l’avant, que ce soit de donner un regain d’énergie, une plus grande capacité de concentration ou de performance, un effet relaxant ou même permettre de devenir plus populaire ou attirant. Les campagnes publicitaires sont très importantes et on en fait donc la promotion partout, que ce soit dans les publicités télévisées ou dans les magazines, sur les affiches, panneaux publicitaires, calendriers et objets dérivés. Résultat, plusieurs adultes et enfants en abusent et voient leur santé se détériorer au fils des années, sans nécessairement considérer la contribution de ces dernières à la piètre qualité de leur alimentation. La modération en termes de fréquence et de grosseur de portions est donc de mise. Il serait logique de songer à opter pour des breuvages plus naturels et même revenir aux sources en se désaltérant avec un bon verre d’eau. 

 

Bibliographie

RÉFÉRENCES

1.      Garriguet D. Nutrition : résultats de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes : Vue d’ensemble des habitudes alimentaires des Canadiens, 2004. Statistique Canada 2006 : catalogue no. 82-620-MIE-No.2.

2.      Statistique Canada. Statistiques sur les aliments. 2010.

3.      Brownell KD et al. The public health and economic benefits of taxing sugar-sweetened beverages. NEJM, 2009:361(16):1599-1605.

4.      Parks EJ, Skokan LE et al. Dietary sugars stimulate fatty acid synthesis in adults. J Nutr. 2008 Jun;138(6):1039-46.

5.      Saris WH. Sugars, energy metabolism, and body weight control. Am J Clin Nutr. 2003 Oct;78(4):850S-857S.

6.      Basciano H, Federico L, Adeli K. Fructose, insulin resistance, and metabolic dyslipidemia. Nutr Metab (Lond). 2005 Feb 21;2(1):5.

7.      Miller A, Adeli K. Dietary fructose and the metabolic syndrome. Curr Opin Gastroenterol. 2008 Mar;24(2):204-209. Review. 

8.      Hartman JW et coll. Consumption of fat-free fluid milk after resistance exercise promotes greater lean mass accretion than does consumption of soy or carbohydrate in young, novice, male weightlifters. Am J Clin Nutr2007;86:373-381.

9.      Murphy M et coll. Drinking flavored or plain milk is positively associated with nutrient intake and is not associate with adverse effects on weight status in US children and adolescents. Jam diet Assoc, 2008; 108(4):631-39.

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